Mathilde Amilhat
La Forêt
Signes et griffures sur la toile. La peinture à l'oeuf au bout du pinceau. Le pinceau au bout de mes doigts, mes doigts au bout de mon corps. Et dans mon corps, sur mon corps et loin de mon corps, ce lien continu, cet attachement vers/avec cet arbre là-bas. Les griffures de ses anfractuosités, les aiguilles de ses échardes, les visages de ses ombres, l'écriture intraduisible de son histoire. Il est comme un guide, il rythme mes gestes. Il est écho, il m'échote. Je l'échote. Ce qui se tisse là est flou et indistincte mais il y a quelque chose quand même. Pas rien. Il y a aussi cette attente, cette frustration et cette fatigue parfois. Les repères/repaires sont nombreux avant que je pose le pinceau, mais ce qui est écrit après est radicale-ment différent.










Installations
La beauté première du geste de panser les branches de buis commence dehors, dans cette forêt abîmée où beaucoup sont secs, détruits par la pyrale et d'autres, repartent, repoussent depuis les troncs et parfois depuis l'aisselle de leurs rameaux.
Leur odeur est de nouveau présente et recouvre celle de l'humus noir des ubacs.
Je tends l'oreille aux rares chants d'oiseau, aux frôlements qui froufroutent parfois.
La lumière rasante et froide tombe en rares tâches claires dans la pénombre emplie de rosée.
Je passe par les sentiers tracés par les animaux. Leurs habitudes sillonnent le sous-bois, cassent des brindilles, empêchent les herbes de pousser, les feuilles de se déposer, et façonnent un renflement bouffant de matières organiques qui surplombent un imperceptible sillon comme un trait de gouge.
Je cherche des branches mortes et je les choisis. Ce qui m'oblige à observer un buis après l'autre. Reconnaitre le vivant, si vif. Choisir le bois mort aux racines perdues.
Et j'avoue, j'aime trouver les buis chantournés, de ceux qui portent sur eux des accidents, qui se sont (peut-être?) inventés autres.
Tempera
J'adore le touché de ces pages encrées.
La feuille de papier simplement imprimée ne fait pas le même bruit quand on la tourne que celle qui a été modifiée par l'encre.
En gondolant, atteintes pas l'eau qui pénètre leurs fibres, elles acquièrent une épaisseur inégale qui craque et claque quand on passe la main dessus. Les bosses et les creux formés par les différences de densité et les tensions entre le papier sec et le papier humide, lui donnent une sensualité de peau et une sonorité croustillante.
Comme si des parcelles de sa géographie de matière commençaient à exister indépendamment des autres.












